La France perd son statut de valeur refuge : taux en hausse, dettes coûteuses et climat politique fragile. Un signal fort qui pourrait peser sur les ménages et l’Europe
En quelques heures, un symbole s’est inversé : la France emprunte désormais à un taux plus élevé que l’Italie. La démission surprise de Sébastien Lecornu, après seulement quelques semaines à Matignon, a déclenché une onde de choc immédiate sur les marchés financiers. Le rendement des OAT a bondi à 3,59 %, avec un spread élargi à 87 points de base, dépassant celui des BTP italiens (86 pb). Rare et significatif, ce renversement traduit un doute croissant sur la stabilité française.

L’instabilité gouvernementale est devenue un facteur clé. Trois Premiers ministres se sont succédé en quelques mois, sans majorité claire à l’Assemblée. La démission rapide de Lecornu, les menaces de motions de censure et la perspective d’élections anticipées alimentent une prime de risque plus élevée. Pour les investisseurs, cette incertitude complique la préparation des budgets, retarde les réformes et fragilise la crédibilité fiscale du pays.
Pourquoi le spread français dépasse celui de l’Italie
Le spread mesure l’écart entre le taux d’emprunt français et celui du Bund allemand, référence de la zone euro. Plus l’écart est grand, plus les marchés jugent le risque élevé. Que la France — longtemps perçue comme pilier de stabilité — paie désormais une prime de risque supérieure à l’Italie n’est pas un « miracle italien » : c’est le signal d’une inquiétude profonde sur les finances publiques françaises.

Plusieurs facteurs se combinent : une dette publique au-delà de 115 % du PIB, un déficit supérieur à 5 %, une forte part de dette détenue par des investisseurs étrangers, et une balance commerciale déficitaire depuis 2005. À cela s’ajoute un endettement privé élevé, qui alimente la perception de vulnérabilité.
Pour les ménages, cette tension se traduit par des crédits immobiliers plus coûteux et des conditions de financement plus dures pour les entreprises. L’État, lui, doit payer davantage pour se financer, ce qui alourdit la charge d’intérêts et réduit la marge pour les services publics, la transition écologique ou d’éventuelles baisses d’impôts. Sans plan crédible, la pression pourrait se répercuter sur les prix ou conduire à de nouvelles coupes budgétaires.
Un signal inquiétant pour l’Europe
Cette fragilité française inquiète Bruxelles. La nouvelle gouvernance économique de l’UE impose des trajectoires de réduction de déficit plus strictes et un suivi renforcé. Une France instable complique l’ensemble du dispositif européen, alors que plusieurs pays, dont l’Italie, rechignent déjà à renforcer les outils de soutien commun. Pour regagner la confiance des marchés, Paris doit afficher une stratégie claire : budget réaliste, réformes pro-compétitivité et calendrier politique stabilisé.
Le coût de l’incertitude
Chaque point de spread en plus se traduit par des milliards d’euros d’intérêts supplémentaires pour l’État, qui finiront par peser sur les contribuables et les services publics. Tant que la France n’aura pas retrouvé un cap politique lisible et une discipline budgétaire crédible, elle risque de perdre ce qui faisait sa force : son statut de valeur refuge au cœur de la zone euro.